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A la découverte des plantes comestibles du littoral breton

Chaque année je pars en escapade dans le Morbihan pour réaliser quelques cueillettes et préparations culinaires. Dans cet article, je vous embarque à la découverte de la flore comestible des côtes bretonnes. La salicorne et la criste marine seront nos stars du jour. Et pour finir ce petit tour, je vous ai concocté tout un menu riche en saveurs iodées, dont je vous livrerai les secrets.




ENTRE TERRE ET MER


Sur le littoral atlantique se rencontrent une grande diversité de plantes bien spécifiques, dont beaucoup sont comestibles. C’est un véritable paradis pour les cueilleurs et les glaneurs ! Nos ancêtres le savaient déjà, et pour cette raison, ils étaient nombreux à peupler les côtes.


Côte sableuse : plage et dune

Outre son climat doux (l’atlantique est un puissant régulateur thermique), le milieu côtier a la particularité d’être influencé par l’eau de mer et ses mouvements (marées, embruns, tempêtes). Les plantes qui poussent dans cette frange entre terre et mer, sont donc soumises à 3 contraintes majeures, le sel, l’eau et le vent.

On peut distinguer 3 types de côtes qui s’entremêlent parfois : les côtes sableuse (plages, dunes, cordons littoraux), les côtes rocheuse (falaises, rochers et plages de galets), les côtes vaseuses (estuaires, marécages, marais salantes, prés salés).


Côte rocheuse : Rochers à marée basse et falaise
Côte vaseuse : marais et pré salés


ÉTHIQUE DE LA CUEILLEUSE ET DU CUEILLEUR


Le littoral de part sa spécificité et de part les contraintes qu’il subit (urbanisation, forte affluence l’été, pollution…) est un milieu fragile. C’est pourquoi on ne s’improvise pas cueilleur. Encore plus qu’ailleurs, il faut s’informer, se former et s’autoformer, pour connaître les milieux et adopter les bons gestes de cueillette.


Limonium ovalifolium, espèce protégée, pointe des Saisies, Prequ'île de Gâvres

La cueillette est une activité intimement liée à la nature. A condition d’adopter une bonne éthique, cette pratique est compatible avec le respect des milieux et de la biodiversité. Je pense même que c’est une des clés, un cheminement possible pour une vie humaine en harmonie avec son environnement naturel : observer→ appréhender avec tous ses sens→ s'émerveiller→ comprendre→ respecter→ préserver…



QUELQUES ESPECES COMESTIBLES


Parmi les nombreuses espèces sauvages comestibles du littoral, citons 3 grandes familles bien représentées :

  • Les apiacées: maceron (Smyrnium olusatrum), fenouil (Foeniculum vulgare), céleri (Apium graveolens), carotte (Daucus carota), criste marine (Crithmum maritimum),…

  • Les amaranthacées : bette maritime (Beta vulgaris subsp. maritima), arroche maritime (Atriplex halimus), arroche des sables (Atriplex laciniata) , obione (Halimione portulacoides), salicornes (Salicornia sp., Sacocornia fruticosa),...

  • Les brassicacées : roquette (Diplotaxis tenuifolia), radis ravenelle (raphanus raphanistrum), cakilier maritime (Cakile maritima), crambe maritime (Crambe maritima),...


Maceron (Smyrnium olusatrum)
Obione (Halimione portulacoides)

Citons également les algues qui poussent dans l’estran (zone de balancement des marées). Aucune algue n’est toxique, mais certaines sont plus goûteuses que d’autres. Attention on ne récolte que des algues accrochées à un support et bien vivante (pas d’épave). Quelques-unes de mes algues préférées : kombu breton (Laminaria digitata), haricots de mer(Himanthalia elongata), nori (Porphyra umbilicalis), truffe de mer (Osmundea pinnatifida), cheveux de sirène (Ulva intestinalis).


Kombu breton (Laminaria digitata) et haricots de mer (Himanthalia elongata) que l'on peut récolter lors des grandes marées


LA SALICORNE (Salicornia sp., Sacocornia fruticosa)


C’est l'une des plantes les plus populaires du littoral.


Pour être plus juste, il faudrait parler de cette plante au pluriel, car il en existe plusieurs espèces distinctes. Certaines sont vivaces, d’autres annuelles, certaines sont herbacées, d’autres ligneuses. On les trouve souvent dans le commerce en saumure vinaigrée (façon pickles) et parfois en conserve au naturel. La salicorne n’est pas une algue contrairement à ce que l’on entend dire parfois. C’est une plante à fleur, du groupe des Chénopodiacées (maintenant cette ancienne famille botanique est incluse dans celle des Amaranthacées). Elle pousse dans l’estran (zone soumise aux fluctuations des marées) ou dans les prés salés et zones marécageuses, sur sol limoneux et boueux.


Salicorne arbustive
Salicorne herbacée

Les salicornes sont faciles à reconnaître : c’est une plante charnue, plus ou moins ramifiée, qui semble articulée et dépourvue de feuille. En réalité, les feuilles soudées 2 par 2 constituent une gaine qui entoure la tige. Les fleurs sont très discrètes et se remarquent à peine.



Elle se prépare de multiples façons. On peut la consommer crue, ciselée pour aromatiser les salades, confite au vinaigre comme les cornichons ou encore cuite, comme légume vert. On la prépare parfois comme des haricots verts après une cuisson à l’anglaise (elle est blanchie dans l’eau bouillante quelques minutes avant d’être rincée dans l’eau bien froide pour conserver sa belle couleur vert tendre). On peut ensuite la préparer en salade froide ou la poêler avec un peu d’ail. Ainsi on l’appelle parfois “haricot de mer”, ce qui porte à confusion avec l’algue du même nom (Himanthalia elongata), qui n’a strictement rien à voir visuellement ou botaniquement parlant. La plante étant naturellement très salée, inutile d’en rajouter.


Quelques autres petits surnoms pour la route : corne de sel, cornichon de mer, salicot…

Dans certaines régions, la cueillette de la salicorne est réglementée. Ainsi par exemple, dans la manche, la cueillette est autorisée entre le 1er juin et le 15 septembre, du lever au coucher du soleil et la quantité maximale autorisée par personne et par jour est limitée à ce que peuvent contenir les deux mains d'un homme adulte.

La salicorne est riche en vitamine A et en minéraux (sodium).




LA CRISTE MARINE (Crithmum maritimum)


Voici une autre plante typique du littoral. Contrairement à la salicorne qui pousse dans les marais salés, la criste s’élève sur les côtes rocheuses, dans les zones soumises aux embruns (l’une des rares plantes à fleurs à supporter les éclaboussures des vagues). Elle supporte très bien le sel, comme la sécheresse.

On la surnomme perce-pierre ou casse-pierre, faisant aussi bien référence au milieu où elle pousse qu’à ses propriétés médicinales, puisqu’elle aide à combattre les calculs rénaux.


Le fenouil marin, un autre de ses noms populaires appartient à la famille des apiacées parmi lesquelles on trouve le fenouil, la coriandre, le céleri branche dont la criste évoque les arômes.


Cette vivace mesure entre 20 et 50 cm. Ses feuilles sont fines et charnues et ses ombelles de fleurs jaunâtre s’épanouissent au cœur de l’été. Ses graines charnues, un peu plus grosses que celles du fenouil, arrivent à maturité au début de l’automne.



Toute la plante est comestible et se récolte presque toute l’année. Attention certaines zones rocheuses et dunaires du littoral sont fragiles et donc protégées pour préserver cet habitat si particulier qui abrite des espèces végétales et animales rares. La cueillette y est alors interdite. Comme pour toutes les plantes sauvages, la cueillette, si elle est autorisée, doit rester respectueuse de la plante et du milieu. On prélève les feuilles en pinçant avec l’ongle ou à l’aide d’un couteau pour permettre la repousse.



Les feuilles (surtout jeunes) sont délicieuses crues, plus âgées on pourra les ciseler finement en guise de condiment pour aromatiser une salade. On peut aussi utiliser les jeunes inflorescences en boutons pour apporter de la couleur aux crudités. Comme la salicorne, on peut conserver ces feuilles sous forme de pickles. Les feuilles développées se consomment cuites en potage ou en légume d’accompagnement. Les fruits se récoltent verts ou secs et s’utilisent comme épices ou en tisane. La criste est digestive, tonique, diurétique, dépurative, pour ne citer que quelques-unes de ces nombreuses propriétés médicinales.



Comme son cousin du littoral, le maceron, cette plante est riche en vitamine C et minéraux. Ainsi dans l’Antiquité elle était emportée par les marins lors des voyages pour se préserver du scorbut.

Outre Manche, la criste fut très appréciée en cuisine, dès le XVIe siècle. Les anglais en firent commerce et l’acheminaient vers Londres. La demande était si forte que les cueilleurs récoltaient la plante sur les falaises abruptes au péril de leur vie. Heureusement, je vous rassure, ce n’est pas mon cas !



QUELQUES RECETTES TESTEES ET APPROUVEES :


  • Salade de carottes râpées à la salicorne

Pour cette recette, il faut cuire à l’anglaise la salicorne. Cela permet de la dessaler un peu, de l’attendrir et d’obtenir une belle couleur vert tendre. On mélange à part égale (+ ou - selon son goût) avec des carottes râpées. Petit assaisonnement possible : zeste et jus de citron, huile de tournesol, graines de sésame, ail. Inutile de rajouter du sel, la plante est déjà TRÈS salée.







  • Salade de patates à la criste, à la salicorne et à l’obione

Nous avons eu un long débat avec les copines lors de la dernière session cueillette en Bretagne : “la salade de patates, avec ou sans tomate ?” J’étais en minorité lors des premiers essais, mais voici ma version très personnelle. Je précise que je suis pour les tomates, elles apportent un peu d’acidité, de la couleur et de la fraîcheur. Tomates fraîches si c’est la saison (et là c’est justement le début), sinon tomates séchées à l’huile c’est chouette aussi.

On choisit des patates à chair ferme, que l’on épluche et coupe en rondelles après une cuisson vapeur. J’y ajoute quelques olives, oignons / échalotes et tomates émincées et quelques graines de courge. Pour les plantes : quelques feuilles d’obione entières, le la salicorne et de la criste marine finement émincées, les 3 crues. Assaisonnement : huile de colza, vinaigre de cidre, pas trop de sel, voire pas du tout (les plantes sont déjà bien iodées et salées tout comme les olives et tomates séchées).




  • Criste marine à la crétoise

Une recette simple, rapide, très nature. Le meilleur moyen d’apprécier pleinement la saveur de la criste. Juste avant de passer à table on place les feuilles en cuisson vapeur (5 minutes à peine suffisent). On sert chaud et on ajoute dans son assiette un filet d’huile d’olive, un peu de citron, et une pointe de fleur de sel.


Criste et pourpier de mer à la crétoise avec diverses crudités et tartinades - repas préparé en camping sauvage sur la côte bretonne

  • Fromage frais à la criste marine

Faisselle aromatisée à la criste marine et galette d'algues (cheveux de sirène) - repas préparé en camping sauvage

C’est l’une des premières recettes que j’ai expérimenté avec la criste, au point qu’elle deviennent une de mes plantes “coup de cœur”. J’étais en Corse (notre plante pousse aussi au bord de la méditerranée) en voyage d’étude sur les plantes et j’avais simplement émincé la criste dans du brocciu (fromage de brousse) avec un petit peu de sel et de poivre. Tellement délicieux !!! On peut le faire avec n’importe quel fromage frais de chèvre ou de brebis (battu, faisselle ou égoutté selon ce que vous avez à disposition). Je rajoute souvent une pointe d’huile et de vinaigre ou citron pour équilibrer les saveurs.




  • Fondant choco criste marine


Prenez la recette de fondant au chocolat de votre choix. Pour ma part j’en fais une avec beaucoup de beurre salé, beaucoup de chocolat noir (70%) et peu de sucre. Prévoir 150 à 200g de criste marine pour un gâteau entre 400g et 500g d’ingrédients. Mixer la moitié de la criste avec la quantité de sucre jusqu’à obtenir une pâte, le reste de la criste est émincé finement au couteau ou mixé à sec pour qu’il reste quelques petits morceaux. Cuisson à feu doux, 20 min max pour que le gâteau soit bien fondant.


  • Pickles de salicorne et de criste marine

Ces deux plantes sont très fréquemment préparées en saumure vinaigrée (façon cornichons ou pickles). On trouve pléthore de recettes sur Internet. Plusieurs options s’offrent à vous pour ma part, j’ébouillante la salicorne, avant de la mettre en pot avec quelques grains de poivre et baies roses. Pour une conservation longue durée, je la recouvre d’une saumure ⅔ de vinaigre, ⅓ d’eau que je porte à ébullition et verse chaude.Vous pouvez inverser les proportions si vous avez l’intention de consommer vos pickles rapidement). Pour la criste marine, il faut juste la séparer en petits tronçons au préalable (je préfère une découpe manuelle, plus esthétique). On peut alors utiliser la même technique que pour la salicorne. Ou bien on la répartit directement crue dans les bocaux, ou encore après l’avoir mise à macérer 24h dans un saumure d’eau salée.


J'espère que cette escapade vous a émoustillé les papilles ! Merci de votre compagnie et à bientôt.


Si vous souhaitez vous former à la cueillette sauvage et découvrir les plantes du littoral, stay tuned ! Une formation annuelle et itinérante est en cours d'élaboration pour 2023 et la côte bretonne est au programme. Les inscriptions seront ouvertes durant l'été.


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