Aujourd’hui, je vous propose de revisiter la recette traditionnelle du pain d’épices avec des plantes sauvages locales. Oubliez le clou de girofle, la coriandre et la vanille. Les arômes de ces trois plantes existent déjà dans notre flore, au sein d’autres espèces végétales !
Avant d'entrer dans le détail de la recette, commençons donc par un petit tour d’horizon de ces plantes épices :
UN VASTE PANEL D'EPICES SAUVAGES :
Voici les plantes que j’ai sélectionnées pour ma recette de pain d’épices :
Les racines de benoîte urbaine - Geum urbanum. Celles-ci ont un arôme de clou de girofle dû à la présence d’eugénol, un composé aromatique que l’on retrouve également dans la canelle, les produits dentaires, et bien sûr dans le clou de girofle.
J’ajoute des fleurs de reine des prés - Filipendula ulmaria. Le parfum puissant et doucereux des fleurs fraîches ou sèches de cette plante évoque un mélange d’amande amère, de miel et de vanille. On la nommait autrefois dans certaines campagnes la vanille du pauvre. Attention toutefois à ne pas trop doser dans vos recettes, la plante contient aussi du silicate de méthyle qui risquerait d’y apporter une note médicamenteuse.
Je récolte également pour cette recette de jeunes pousses de douglas - Pseudotsuga menziesii. Le feuillage de cet arbre a une saveur très étonnante, faite d’un mélange d’arômes de citronnelle, de fruit de la passion et de résine. J’utilise les
tout jeunes rameaux qui poussent au printemps et les fais sécher mais la plante s’utilise également fraîche.
Enfin, ma recette intègre les semences de plusieurs apiacées : celles de la berce spondyle (Heracleum sphondylium), de la carotte sauvage (Daucus carota), du maceron (Smyrnium olusatrum), et du fenouil sauvage (Foeniculum vulgare). Je récolte la berce et la carotte dans les prairies de fauche de mon village, en Touraine. Le fenouil et le maceron, eux, sont bien présents le long du littoral et je les trouve ainsi lors de mes escapades bretonnes.
Toutes ces apiacées apportent des notes de coriandre, de céleri et d’anis au gâteau. La berce y ajoute des notes d’agrume et la carotte une légère saveur de poire. Le maceron, quant à lui, a des notes poivrée et piquante et un parfum qui se rapproche de celui de la nigelle (cumin noir). J’utilise toutes ces semences sèches et les pulvérise pour les intégrer à ma pâte à gâteaux. Il est possible d’utiliser des semences fraîches, le côté fruité de celles-ci serait alors accentué. Attention néanmoins à ne pas surdoser car les parfums frais de ces semences, en particulier de la berce et du maceron, peuvent être puissants .
Voici pour ma recette !
D’autres plantes “épices” peuvent être utilisées, à vous de faire vos expériences. Je vous conseille notamment :
Les fleurs de sureau noir - Sambucus nigra. Encore une “vanille du pauvre”, dont les arômes évoquent la douceur de la vanille tout en ayant une note plus fruitée. Les fleurs sont plus intéressantes fraîches, car elles ont tendance à perdre de leur saveur une fois sèches.
Les feuilles et fleurs de l’aspérule odorante (Gallium odoratum), du mélilot blanc (Melilotus albus) ou jaune (M. officinalis) et de la flouve odorante (Anthoxanthum odoratum). Toutes ces plantes développent après séchage des arômes de fêve tonka grâce aux coumarines qu’elles contiennent. Attention toutefois à parfaitement faire sécher ces plantes. Un mauvais séchage avec reprise d’humidité transformerait les coumarines en dicoumarol, un composé extrêmement toxique.
Les jeunes pousses d’épicéa (Picea abies) ou de sapin blanc (Abies alba) peuvent être utilisées de la même manière que celles du douglas.
Les semences d’autres apiacées peuvent enfin être utilisées, comme par exemple celles de la criste marine (Crithmum maritimum), une plante du littoral qui apporte une touche d’iode. Les semences d’angélique (Angelica sylvestris) sont aussi intéressantes, bien que très amères. La myrrhe odorante (Myrrhis odorata), que l’on trouve dans les milieux montagnards, se rapproche de l’anis. Enfin, le goût des fruits du panais sauvage (Pastinaca sativa) se rapproche de celui des fruits de berce et peut s’y substituer.
Enfin, les racines de la fougère polypode (Polypodium vulgare) ont un parfum de réglisse.
LA RECETTE
Les ingrédients
- Épices sauvages :
15g de racines fraiches de benoîte urbaine (sans le rhizome)
10g d’inflorescence sèches de reine des prés
10g de jeunes pousses séchées de douglas
8g de fruits secs de berce
5g de fruits secs de carotte sauvage
5g de fruits secs de fenouil sauvage
3g de fruits secs de maceron
- 160g de farine de blé
- 80g de farine de châtaigne
- 15cl de lait
- 125g de miel
- 100g de beurre
- 1 oeuf
- 1 sachet de levure
Les étapes
Préparer un extrait de benoîte : Émincer le plus finement possible les racines de benoîte.
Placer la moitié des racines dans le lait et réaliser une décoction douce pendant 10 min en surveillant pour éviter tout débordement. Couper le feu, ajouter l’autre moitié et laisser infuser à couvert pendant 10 min.
Pendant ce temps, mixer toutes les épices sèches.
Peser et mélanger les ingrédients secs : farines et levure.
Faire fondre le beurre et hors du feu ajouter le miel dans le beurre
Filtrer l’extrait de benoîte dans une étamine pour éliminer les racines. Ajouter ce lait parfumé au mélange beurre/miel, bien mélanger, ajouter les épices, bien homogénéiser.
Pour finir mélanger les ingrédients solides, l'œuf et le mélange liquide épicé (incorporer progressivement pour obtenir un mélange bien homogène).
Beurrer un plat à cake et y verser la préparation.
Cuisson : Le secret c’est que le pain d'épices doit cuire à feu très doux (150°C) entre 1 et 1h30. On pique avec un couteau pour voir si la pâte accroche ou si le pain est cuit. On peut aussi cuire 15 min à 160°C puis 1h à 140°C.
Système D : si comme moi vous avez un four gaz dont le thermostat est trop puissant, vous pouvez cuire le pain d'épices 45 min au bain marie, puis 20 à 30 min à feu doux (le plus doux que vous pouvez).
Vous pouvez conserver ce pain d’épices plusieurs jours dans un torchon.
Miam !!!
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